C’est l’affaire qui a secoué cette année le microcosme des grandes familles du Capitalisme français. Durant ses 111 années d’existence, le Groupe Barrière n’avait connu que quatre patrons. Un cinquième s’ajoute aujourd’hui à la liste en la personne d’Alexandre Barrière, fils de Dominique Desseigne qui assumait la direction de l’entreprise depuis 1995. Une succession préparée en coulisse depuis plusieurs mois.
Les racines de la discorde
Les racines de la discorde se logent dans l’historique de la famille et notamment la transformation du père, « petit notaire », perçu comme un coureur de dot, qui est devenu un pilier fort de la famille, lorsque Diane Barrière a subi un terrible accident d’hélicoptère qui l’a laissée handicapée. Pilier du groupe également, qu’il a su développer à l’international notamment avec la marque « Fouquet’s », avec l’appui de son réseau.
Au sortir du Covid, fort de ses succès, il avait déclaré que sa succession n’était pas à l’ordre du jour. Son fils n’était pas encore prêt, selon lui.
Mon analyse de la situation
Je pense qu’à de ce moment, son sort était scellé et tous les ingrédients d’un conflit entre actionnaires étaient posés :
- Un actionnaire qui se sent trop puissant et qui refuse de négocier alors que le rapport de force évolue,
- Un actionnariat qui offre des possibilités de prise de pouvoir ; les actions de Diane avaient été démembrées entre le père et les enfants, tandis que Diane avait consenti une donation au dernier vivant au bénéfice de son mari, un an avant sa mort, selon des procédés utilisés couramment par les notaires,
- L’accès à certaines informations stratégiques par l’actionnaire « minoritaire » ;
- Un « cheval de troie » juridique : les opérations juridiques organisées par le père pour la succession de Diane Barrière étaient fragiles car intervenues pendant la longue période de souffrance de l’héritière.
Le fils a assigné le père en nullité de ces opérations, bientôt rejoint par sa sœur, et le père s’est vu enjoint de rembourser 75 millions d’euros de dividendes indument perçus selon les plaideurs.
Passé la sidération, cette décision a également entraîné le désengagement du Groupe de la société Fimalac, proche de Dominique Desseigne.
Comment le PDG en titre a-t-il pu être aussi vite remercié ? Comment sont intervenus les avocats dans cette situation – les noms de quatre cabinets et 23 avocats figurent sur le communiqué de presse paru au moment de la reprise de la holding de tête par les enfants Barrière, sans précision sur le rôle joué par deux des cabinets cités, ce qui est très inusuel pour un communiqué de presse.
Nous n’en saurons pas plus des négociations intervenues sur fond de bataille judiciaire, mais les enfants sortent largement vainqueurs puis que le père n’est plus que président d’honneur et leur a laissé la direction. Ils ont racheté les minoritaires et détiennent 100% du groupe. Mais pour cela, ils se sont lourdement endettés : c’est peu dire que le parricide nécessité par une succession mal préparée laissera des traces.
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