La participation détenue au capital d’une société n’est significative que par les droits que celle-ci vous donne, outre la vocation aux bénéfices. Un ultra-minoritaire peut bloquer une cession totale et avoir du poids au sein des associés, comme un fondateur « historique » peut être, en nombre de titres, le premier actionnaire, mais en réalité s’être fait évincé de la gestion de sa société et ne plus rien contrôler. Cette participation se négocie, de part et d’autre, en fonction des droits que l’entrant souhaite obtenir et que les autres actionnaires sont prêts à partager. Typiquement, ces droits sont inscrits dans un pacte d’actionnaires, ce qui peut éviter quelques mauvaises surprises – lorsque ce pacte existe – dont vous trouverez quelques exemples dans notre article.
Lors de la création ou la reprise d’une société à plusieurs, de la montée au capital d’un partenaire ou d’un salarié, ou de l’émission de stock options, les discussions se focalisent sur le « combien » : combien d’actions chacun détiendra après l’opération discutée. Il y a d’ailleurs parfois un aspect « affectif » ou subjectif dans les participations négociées par les uns et les autres. Il s’agit de savoir pour certains s’ils sont ou pas parmi les premiers associés de la société. D’autres ont en tête la nécessité de détenir plus de 33% du capital, parce qu’ils associent à ce chiffre une notion de minorité de blocage.
C’est souvent oublier que le taux de participation dans une société privée ne signifie rien en tant que tel, s’agissant du pouvoir de contrôle. Il est ainsi tout à fait possible de prévoir que les décisions ordinaires et extraordinaires d’une SAS soient prises à la majorité simple de 50%. L’associé qui se pensait incontournable avec 33% assiste alors impuissant aux assemblées générales transformées en chambres d’enregistrement. C’est ce dont s’est aperçu un cofondateur trop confiant qui avait laissé passer cette clause et n’avait pas veillé à « verrouiller » son capital : l’autre cofondateur avait, lui, veillé à fédérer les associés autour de sa personne, détenant facilement les 50% requis pour adopter toutes les décisions sociales, et ainsi contrôler la société. Voilà pour la minorité de blocage : elle n’existait que dans la tête du cofondateur imprudent.
Autre exemple : une société vaut ce qu’elle peut générer, ici et maintenant, par exemple sous forme de revenus ou dividendes, et à terme, lors d’une cession par exemple. Or un minoritaire détenant par exemple 20% d’une société peut en bloquer la cession, s’il refuse de vendre avec les autres actionnaires – un tiers acquéreur ne sera en effet généralement pas intéressé par la reprise d’une partie seulement du capital d’une entreprise ; cette situation donne alors à notre minoritaire la capacité d’influer sur les décisions stratégiques voire le devenir de la société, alors qu’il n’y avait peut-être pas vocation. Il pourra s’opérer, en fonction des circonstances particulières, un renversement de situation : d’actionnaire passif, il pourra s’improviser co-décisionnaire des décisions clés relatives à la sortie de la société, à tout le moins tant que la question de la sortie n’est pas réglée.
A l’inverse, le fondateur qui a accepté de se faire diluer peut se faire évincer des décisions opérationnelles d’une société (parce qu’il aura été révoqué comme dirigeant, ou qu’il ne contrôlera plus l’organe de direction de la société). Les décisions de gestion, notamment les investissements, les dépenses, et plus généralement le budget, pourront être arrêtées sans lui. Résultat : il est peut être toujours actionnaire prépondérant (le cas échéant) mais il n’a plus la certitude de toucher des revenus de la société. Notamment ses revenus réguliers – salaire, rémunération de dirigeant – peuvent s’être arrêtés avec sa révocation, ou par suite de décisions de gestion prises sans lui et qui auront obéré les capacités financières de la société qu’il a créée -dividendes. Résultat : il n’est plus au centre de la stratégie de la société alors qu’il a une participation importante et devient actionnaire passif, prisonnier du capital d’une société dont il ne peut rien retirer.
La conclusion d’un pacte d’actionnaires en amont permettra probablement de limiter ces retournements de situation, en donnant dès l’origine un sens à chaque niveau de participation des actionnaires. Cet accord définira par avance les conditions de majorité pour prendre une décision de gestion ou affectant le capital de la société ; conséquence : les discussions portant sur l’attribution d’actions s’organiseront de manière objective autour de ces majorités -ou inversement, le pacte s’il n’en existe pas se négociera autour de la répartition du capital.
Il en est ainsi des clauses dites de « sortie forcée » : lorsqu’une offre intéressante est reçue pour la revente d’une société, un niveau de majorité est défini pour accepter ou refuser cette offre et forcer les autres actionnaires à sortir. Il s’agit d’une majorité exprimée en général en pourcentage de participation et/ou en nombre d’associés, le cas échéant avec un droit de véto pour certains ; une valeur minimum devant être respectée par l’offre de reprise pouvant aussi être stipulée pour pouvoir forcer la sortie aux minoritaires. Les négociations pour l’entrée de managers ou business angels au capital s’organiseront donc autour de ce type de clause.
Il y a donc lieu, pour évaluer un niveau de participation, de se renseigner sur les majorités applicables dans une société si elles sont précisément figées ou à l’inverse de faire précisément le point sur les droits que l’actionnaire souhaite retirer de sa participation. La négociation n’en deviendra que plus objective et organisée, et permettra de limiter les mauvaises surprises de part et d’autre.