4 juin 2012 : Notre partenaire Vanina Paoli-Gagin, avocat au barreau de Paris a répondu aux questions de Franck MOULINS, Rédacteur en Chef du journal « Capital Finance » qui lui ont permis de développer certains aspects du fonctionnement des fonds de co-investissement régionaux, et d’en évoquer les leurs contraintes et potentiels. Vous trouverez l’article dans la partie « downloads ».
Ces fonds de co-investissement, créés à l’initiative des régions à l’aide de financements publics et de fonds européens (FEDER, JEREMIE, notamment), ont pour objet de soutenir le tissus économique local en prenant des participations dans des sociétés existantes, voire nouvellement créées, en partenariat avec des investisseurs souvent locaux (fonds d’investissements classiques, business angels, etc.). Ces fonds de co-investissement peuvent eux-mêmes drainer des fonds d’origine privée : la région Limousin a ainsi émis un emprunt obligataire auprès de ses administrés, pour le réinvestir en partie dans l’économie locale, via son fonds de co-investissement. Ces véhicules investissent dans des domaines jugés prioritaires par la région, souvent dans le cadre d’un schéma régional d’innovation finalisé avec l’aide de l’Union européenne, notamment dans le secteur de l’amorçage, domaine traditionnellement sous-financé en France.
Forts de leur intervention réussie auprès des régions Limousin et [ Nord Pas de Calais cela me paraît prématuré de communiquer avant le client attendons que le marché soit fini je crois fin juin] dans ce domaine, les cabinets PAOLI-GAGIN, AT AVOCATS et CLOT-LHERITIER ont pu appréhender les contraintes pratiques mais aussi le potentiel liés à ce type de véhicule d’investissement régional.
Au regard de la contradiction qui pourrait se faire jour en cas de contractions des dispositifs Madelin-IRPP et ISF-TEPA entre la nécessité accrue de lever des capitaux privés et le développement de ces fonds de co-investissement, l’intervention de cabinets d’avocats spécialisés en corporate finance et en droit public permet de structurer et de sécuriser les contrats passés entre les partenaires publics et privé, ainsi que l’explicite plus avant l’article de notre partenaire.
Petit à petit, chaque région française structure son fonds de co-investissement, dont la gestion est confiée à un intervenant privé. Voulus par Bruxelles, ces véhicules pourraient se révéler être compliqués à gérer, toutefois. L’avocate Vanina Paoli-Gagin, qui a travaillé à la structuration de quelques-uns d’entre eux en consortium avec Me Annabelle Thieffine sur les aspects private equity et corporate et Me Edouard Clot sur les aspects droit public et droit communautaire.
Biographie : Inscrite au barreau de Paris en exercice indépendant, depuis avril 2000, Vanina Paoli-Gagin (45 ans, LLM Master of Laws Comparative and International Law SMU Dallas, DESS juriste d’affaires Paris-V, doctorat droit Paris-V, Capa) est collaborateur parlementaire du sénateur, président du Conseil général de l’Aube, membre de la Commission des finances et délégué des sénateurs non-inscrits. Récemment, elle a notamment participé à la création du fonds de co-investissement FCI Limousin, en compagnie de ses confrères Annabelle Thieffine et Edouard Clot.
CAPITAL FINANCE. : Les fonds de co-investissement régionaux ont maintenant été créés presque partout en France. Sont-ce des instruments à l’image de ceux utilisés habituellement dans le non-coté ?
Vanina PAOLI-GAGIN. : Pas du tout, justement ! La qualification qui en est assez régulièrement faite est impropre car, dans la grande majorité des cas, il ne s’agit pas de fonds d’investissement. Dans 85 % des situations, les véhicules structurés ont pris la forme de sociétés commerciales unipersonnelles, détenues par une collectivité (comme la région). En Alsace, tel n’a pas été le cas puisqu’il a été décidé de constituer un FCPR ; en revanche, dans bien des autres régions, ce sont des sociétés par actions simplifiée unipersonnelles… Par conséquent, il est indispensable de mobiliser d’importantes compétences transverses public-privé au moment de leur constitution, car ces structurations impliquent en particulier des enjeux de responsabilité des collectivités, des élus locaux, etc. La question peut être délicate du côté des élus, mais aussi des gestionnaires privés. Et ce même si ces véhicules disposent de feuilles de route très précises. En fait, il nous faut presque raisonner comme si ces sociétés étaient gérées par l’AMF, alors qu’elles ne le sont pas.
C.F. : D’où viennent ces véhicules pour le moins atypiques ?
V.P.-G. : Ils résultent d’une réflexion conduite par les parlementaires européens. Dans leur volonté de mettre en place des outils destinés à favoriser les co-investissements public-privé dans les PME, ceux-ci ont bâti un arsenal de textes conditionnés par des règles générales. Pour autant, ils n’ont pas précisé les catégories spécifiques de véhicules qui pourraient être utilisés dans chaque Etat membre, comme de coutume. Et s’ils ont évoqué le terme de « fonds », ce n’était pas au sens français du terme.
C.F. : Leur constitution est-elle donc complexe ?
V.P.-G. : Assez, oui, en particulier parce que la grande majorité de ces véhicules ont été abondés par des fonds européens, souvent par le Feder. De fait, toute la réglementation des fonds structurels s’applique ! De même, les règles relatives aux aides d’Etat trouvent à s’appliquer, notamment au regard des conditions d’éligibilité des cibles investies Autre spécificité : la collecte d’argent qui abonde ces sociétés de co-investissement a parfois eu lieu via des emprunts obligataires auprès des citoyens, comme ce fut le cas dans le Limousin. Or, il faut garder en tête que cet argent privé est devenu une dotation publique de la Région lorsqu’il a été intégré dans des véhicules, de surcroît souvent par ailleurs abondés par le Feder… Qui plus est, d’autres contraintes propres au droit public doivent être respectées lorsqu’il s’agit de préparer l’appel à manifestation d’intérêt pour sélectionner quel serait le gestionnaire privé du véhicule. Et comme le droit européen exige que celui-ci soit indépendant, il a pu nous arriver de formuler des recommandations afin d’éviter qu’il n’utilise le nouveau véhicule afin d’investir dans une société dont il pourrait par ailleurs être actionnaire, via ses propres structures d’investissement.
C.F. : Qu’en est-il des investissements, justement ? Le premier signé en Rhône-Alpes vient juste d’être dévoilé…
V.P.-G. : Ils commencent à se faire jour, effectivement. Mais ils risquent fort de devenir plus difficiles à concrétiser, du fait même de la façon dont ces véhicules publics sont structurés. En effet, en se donnant l’objectif de favoriser le co-investissement, l’Europe a imposé que ces derniers livrent leurs enveloppes pari passu avec des fonds privés. Outre le fait qu’il s’agit là d’une vision assez administrée du capital-investissement, cela présuppose que continue d’exister fortement une industrie privée. Or, nous savons que, dans le cadre de la réduction de l’ampleur des niches fiscales françaises, les dispositifs Madelin-Dutreil et Tepa ISF risquent d’être encore revus à la baisse, voire supprimés. Dans un contexte de contraction de l’offre de capitaux privés destinée à financer les PME, il sera intéressant de voir la façon dont les véhicules de co-investissement parviendront à mener à bien leur mission.
C.F. : N’est-ce pas à l’encontre de l’objectif initial, au vu de cette complexité ?
V.P.-G. : L’avenir le dira, car ici, il y a une part d’inconnu sur ces sociétés de co-investissement. Devant une telle incertitude, il est donc prudent de structurer les contrats initiaux de façon précautionneuse. Avec mes confrères, nous avons eu pour règle de les rédiger dans une logique proche de celle qu’auraient eue l’AFIC ou l’AMF, par exemple. Et ce même si une telle option s’est souvent révélée être aux antipodes de la culture publique bien légitime des donneurs d’ordre.
Propos recueillis par Franck Moulins
Interview paru dans La Lattre n’°1065 (Capital Finance – Groupe Les Echos) du 4 juin 2012