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Actualité du financement des PME

A retenir : L’année 2017 apparaît prometteuse en termes de financement chez les fonds d’investissement, alors même que la période électorale incite traditionnellement à la prudence dans les projets. Les méthodes de financement des entreprises – entre prêt bancaire et Private Equity – sont variées et le choix dépend de l’objectif poursuivi par le chef d’entreprise, qui pourra privilégier une croissance rapide par levée de fonds, au risque d’être à terme minoritaire, ou une croissance plus lente sur l’autofinancement et la dette.

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I. Le choix du financement dépend de l’objectif poursuivi par le chef d’entreprise

Pour une start-up ou une entreprise en phase de développement, le point central du financement s’articule autour de plusieurs questions :

  •  Par qui se financer ? : les premiers financements peuvent être bancaires mais pour des sommes significatives, la banque aura une approche historique de l’activité de la société. Seuls les investisseurs en capital/fonds d’investissement accepteront de valoriser le devenir, sur la base de projections du chef d’entreprise quant au chiffre d’affaires et la rentabilité.

Il est bien sûr préférable de tenter au démarrage un financement en « love money » ou avec des « business angels », et d’aller voir les fonds une fois que l’activité s’est un peu développée, afin de diminuer la dilution.

En pratique quelle que soit l’identité des investisseurs, les intervenants sont de plus en plus aguerris aux pratiques de marché (pacte, ratchet) et la grande distinction sur la nature des accords à entériner reposera essentiellement sur le point de savoir si l’investisseur « non professionnel » investit sans attendre de retour précis, parce qu’il fait partie du cercle amical du ou des managers par exemple (ou s’intéresse surtout à sa déduction fiscale), ou s’il souhaite une rentabilité ou un débouché commercial, notamment parce qu’il est déjà un partenaire de l’entreprise.

En fonction, il sera – ou non – utile de proposer un pacte d’actionnaires. Cet accord protège le minoritaire en principe, notamment en lui donnant un droit à l’information, voire un droit de participer à la gouvernance, mais il permet aussi au dirigeant de contrôler son capital par les clauses de liquidité. Des promesses unilatérales de vente de la part des « business angels » peuvent utilement remplacer un pacte, dans certains cas.

  • Dans l’hypothèse d’un financement bancaire, si possible réparti sur plusieurs banques, il faudra être particulièrement vigilant vis-à-vis des obligations de faire : respecter certains ratios financiers (convenants financiers), obligation d’information, interdiction de certaines opérations. Ces obligations sont sanctionnées par une exigibilité anticipée de la dette, dans les documentations bancaires types. Ce qui signifie en pratique que la banque peut décider de mettre l’entreprise en état de cessation des paiements (ou a minima en grande difficulté) si ces obligations de faire et de ne pas faire ne sont pas respectées. Même si ces clauses sont en pratiques rarement appliquées, elles constituent autant de leviers et sources de pression de la banque vis-à-vis du chef d’entreprise, déséquilibrant le rapport de force entre ces derniers.

Les interdictions de faire peuvent être très larges et empêcher en pratique toute décision de gestion sortant du cours ordinaire des affaires (emprunts, sûretés, acquisition) sans l’autorisation préalable de la banque. Ces clauses ne sont pas sans rappeler les clauses de gouvernance dans les pactes d’actionnaires, en une version parfois beaucoup plus sévère.

 Afin d’éviter les surprises, il est possible voir souhaitable de pré-négocier le contrat bancaire en demandant un term sheet détaillé, au démarrage du dossier, avec l’insertion des clauses juridiques de cet ordre, en complément des clauses commerciales classiques (taux, durée, sûretés…) ; avec un résumé de toutes les clauses sortant du cadre usuel des contrats bancaires.

 A noter qu’une même banque peut présenter, pour le même niveau d’endettement, des contrats très différents selon la succursale concernée et l’interlocuteur du dirigeant.

Les opérations projetées par la direction en place, et notamment les projets d’acquisition (« build-up ») ou d’investissements opérationnels, doivent si possible être visés dans la documentation de financement, a minima pour acter que la banque envisagera favorablement d’autoriser ces opérations.

  • Pour quel montant ? : un financement de moins de 1M€ sera plus difficile à trouver qu’un financement un peu plus élevé, lorsque ce sont les fonds d’investissement qui sont sollicités. Du côté des leveurs et des fonds, le travail d’analyse et de négociation est en effet toujours le même, ce qui ne privilégie pas les tickets faibles. Du côté des banques en revanche, des montants même faibles peuvent être empruntés, par exemple pour financer du BFR ou un investissement spécifique.
  • A quel moment ? : pour une start-up ou une société en développement, il sera toujours préférable d’avoir un chiffre d’affaires significatif voire une espérance à court terme de rentabilité, pour limiter au mieux la dilution ou éviter les clauses de ratchet (par lesquelles un investisseur peut se reluer dans l’hypothèse où la valorisation de l’entreprise baisse, telle qu’elle pourra être constatée lors d’un tour ultérieur ou à l’occasion de la non atteinte de certains objectifs financiers).

L’objectif de la majorité des managers est de conserver un potentiel de dilution suffisant pour garder la majorité du capital au bout du deuxième/troisième tour. Cependant les managers qui acceptent de faire entrer des fonds majoritaires peuvent très bien réaliser une meilleure opération – à la sortie -, dès lors qu’ils bénéficieront d’un financement plus important afin de mener plus vite à bien leurs objectifs de croissance.

Attention en tous les cas de ne pas trop surévaluer les espérances de développement pour « lâcher » une participation la plus faible possible lors d’un premier ou second tour, car bien sûr en cas de non réalisation des objectifs la sanction sera une plus grande dilution lors du tour suivant, le cas échéant à l’occasion de la mise en œuvre de clauses de ratchet.

  • Par qui se faire accompagner ? : les leveurs auront probablement un rôle très utile pour aider à structurer le dossier et le présenter aux fonds, mais ces conseils auront pour objectif essentiel que le dossier « se fasse ».

    Or il faut également que la répartition des profits entre les managers et les fonds soient relativement « juste » ou à tout le moins « logique », pour que l’association fonctionne. A cet égard, l’essentiel de la négociation interviendra au moment de la lettre d’intention, aussi bien sur la valorisation que sur les aspects juridiques. Le pacte d’actionnaires est désormais un document assez standardisé et il sera difficile de sortir des grands équilibres usuels sauf négociation spécifique pendant la lettre d’intention.

    Il y a donc un intérêt certain pour les managers à être accompagnés dès le départ par des conseils indépendants, avocats et experts financiers. Un conseil fiscal est également utile pour analyser la portée du « management package » qui est proposé par le fonds, dans la mesure où le traitement fiscal des personnes physiques n’y sera pas abordé, à l’instar des projections de TRI (généralement attendu à 15%) mis en place sur excel pour négocier les partages de plus-value futurs, qui sont bien sûr hors impact fiscal.

    Or l’impôt est bien sûr une composante essentielle de l’analyse et le durcissement de la position de l’administration sur les managements packages est notable. Toute incitation des managers qui sera dénuée de risque en capital pourra être requalifiée en complément de rémunération ou en distribution occulte, avec une ponction fiscale punitive. Il y a donc tout lieu d’anticiper au moment de la structuration et de bien s’entourer.

II. La situation prometteuse des fonds d’investissement pour 2017

Vous trouverez ci-après les grands chiffres du Private Equity évoqués pendant la conférence Essec Private Equity du 29 novembre 2016 :

  • L’année 2016 a été bonne, vu le nombre de transactions, et l’année 2017 continuerait sur la même lignée nonobstant le calendrier électoral (environ 1.500/1.600 dossiers par an).
  • Le Private Equity serait remis de la crise de 2008-2011 et représenterait 2 à 3% du financement des entreprises au niveau mondial.
  • En France : ce sont 10 milliards d’euros levées en 2015, dont la moitié des capitaux viennent de l’étranger.
  • Les professionnels tablent sur une levée de l’ordre de 20 milliards dans les 5 ans à venir.
  • Les facteurs propices :

– une dette bon marché et redevenue abondante, baisse des covenants financiers, développement du financement uni-tranche ;

– la multiplication des intervenants, avec des profils d’investisseurs qui évoluent, et une plus grande acceptation du risque pour des investissements dans les PME ;

– les acquéreurs acceptent de payer plus chers les entreprises, avec des multiples à la hausse (10 fois l’EBIDTA sur certains secteurs) ;

– le régime juridique de la reprise est globalement mature, même la fiscalité ISF serait à revoir dans le contexte d’un durcissement du traitement fiscal des management packages.

  • La PME fait consensus dans le programme électoral des candidats à la présidence et représenterait 80% de la commande publique.
  • Les opérations sont de plus en plus complexes car elles sont faites sur mesure avec un arbitrage qui est réalisé entre la lisibilité de la structuration, l’optimisation fiscale pour les vendeurs, et le management packages des managers.
  • Les managers sont les clés de l’investissement et doivent pouvoir intervenir aussi bien dans des contextes de croissance que de crise.
  • Il y a généralement très peu de divergences sur le term sheet et le pacte d’actionnaires qui prennent beaucoup moins de temps à négocier qu’il y a 10 ans;

  • Les discussions portent plus sur l’accompagnement et la structuration. Une lettre d’intention sur deux se concrétise par une opération en capital, ce qui montre un travail d’analyse plus important sur les actifs, en amont, et une meilleure sélection des dossiers.

    Il y a donc un intérêt majeur à être bien accompagné.

    Par Annabelle THIEFFINE

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